-On peut me dire pourquoi est-ce que je
dois écrire, maintenant ?
-C'est pour toi qu'on fait ça, Bill.
Voilà,
les emmerdes commencent à partir de là. En fait, je crois même que je suis né
pour les emmerdes. Bill, ouais, il connaît les emmerdes.
Mardi 19 avril, je rentre chez moi. Les
copains sont toujours là, toujours aussi cons, toujours à se foutre de ma
gueule : « Hé Bill qu'est-ce que t'a encore pisser pour t'retrouver
là ? Tu nous aimes trop, putain ! ». J'aurais pu répondre ta
gueule, j'avoue. Mais pour une fois c'est moi qui l'ai fermé. L'aut' couillon
m'a sorti qu'dans deux ou trois jours, j'pourrais à nouveau chier dans des
toilettes propres. On me sort mes fringues propres et repassés -pour le moment-
et puis j'atterris cellule 10. Mon petit lit rapiécé, le mur défraichi, le seul
drap qui sent l'usure et la transpiration : ma chambre. Mais aujourd'hui y
a Dean qui est là. Dean était un mec assez timide et nerveux, de taille moyenne
avec le cheveu gras. Il m'a toujours fait penser à une chouette tourmenté, même
s'il est plutôt sympa. Sauf que le voir rimait avec mauvaise nouvelle. En
l'occurrence mauvaise nouvelle pour moi :
-Salut Bill, ça fait un bail. Quoi de
neuf ?
-Pas la peine d'essayer d'bavarder,
j'connais la chanson. C'est quoi la mauvaise nouvelle ?
-Hum, c'est à cause de tes multiples
séjours ici, on s'intéresse de près à toi, Bill. Ca devient plus sérieux.
-On m'prend pour un psychopathe, ça
y est ?
-Non, mais ils veulent s'assurer de ta
santé mentale, c'est juste une formalité.
-C'est quoi ce bordel ??!!
Après
que Dean m'ai expliqué gentiment qu'on souhaite vérifier si je n'suis pas un
dangereux malade sorti de l'hôpital psychiatrique, je me suis enfin allongé. Sensation
désagréable retrouvée ; le béton froid contre mon épaule et l'impression
d'inconfort à cause du lit trop petit pour moi. Je me suis demandé qu'est-ce
qui valait le mieux de vivre : la tôle ou l'errance? Moi j'ai choisi la
tôle, c'est p'tet pas brillant, mais quand t'a 12 ans et que t'es déjà au fond
du gouffre, c'est la meilleur solution. Et faut croire que Bill aime les trous
à rat, les potes cons et les chiottes dégueu'.Après cette question
philosophique qui était vraisemblablement à chier, j'ai dormi. Jusqu'à ce qu'on
ouvre la porte 10, et que je vois deux couillons en cravate rentrés. Ah c'était
ceux qui voulaient vérifier si j'savais m'branler correctement. Ils me
parlèrent un peu, toujours les mêmes conneries qu'on nous dit avant d'entrer
dans le vif du sujet ; « quoi de neuf ? », « vous avez
bien dormi ». Et enfin :
-On souhaiterait que vous écriviez, me dit
un des gars, tandis que l'autre me tend un carnet et un stylo.
-Quoi ? Vous voulez que je vous ponde
une histoire ? Sans noté ma superbe plaisanterie, il
continua son discours :
- Ce carnet sera en réalité votre journal.
-Mon journal ?, j'hallucinais !
Mon journal !
-Oui. Nous pensons que cela vous sera
utile durant votre séjour ici. Bien sûr après l'avoir terminé, nous vous en
donnerons un autre et ainsi de suite.
-Attendez... « mon séjour ici » ?! On m'a dit
que je sortirais dans quelques jours !
-L'affaire s'est compliquée, il y a eu
appel. Et le plaideur a gagné…et en conséquence votre incarcération s'est un
peu prolongée.
-Je peux savoir de combien de
temps ??
-Trois ans, minimum.
Le coup de massue. Trois ans. Trois an
dans cette putain de chambre, avec ce putain de lit, et ces chiottes pourries.
Merde ! Mais c'était quoi leur problème à ces pov' cons ?! TROIS ANS
PUTAIN DE MERDE. Ils m'expliquèrent le comment du pourquoi avec des arguments à
deux balles, et me tendirent le carnet avec son stylo noir. J'ai eu une grande
envie à ce moment-là de chier dessus.
Le lendemain, je me réveillais et
retrouvait l'odeur moisi de la cellule. On avait posé sur le seul meuble de la
pièce le fameux carnet et son stylo. Mais qu'est-ce que je vais bien foutre
avec ce truc ?
Un peu de lecture...